De l’Afrique à Bordeaux – briser le plafond de verre du vin

Si on vous demandait d’imaginer le visage futur de l’industrie mondiale du vin, Chinedu Rita Rosa serait une candidate de poids. Noire, femme, passionnée par la promotion de l’inclusion et de la diversité dans le monde du vin, mais aussi entrepreneure dans l’âme, Rosa, surnommée « ChiChi », incarne toutes les qualités auxquelles l’industrie viticole mondiale devrait aspirer. Bien qu’installée dans ce qui est sans doute la région la plus attachée aux traditions du monde du vin, elle fait tout son possible pour casser les codes afin de promouvoir les échanges – commerciaux et culturels – entre les marchés viticoles émergents d’Afrique et les producteurs mondiaux.

Ses activités chez Vines by Rosa couvrent un large spectre de conseils, apportant un soutien bilatéral aux exportateurs mondiaux – principalement français, italiens et californiens – ainsi qu’aux importateurs africains. Comme elle le souligne, « quand on travaille dans l’espace africain, il faut faire preuve de beaucoup de flexibilité, tout ne peut pas tourner uniquement autour du Grand Cru ou, au contraire, des vins d’entrée de gamme ». Mais un fil conducteur lui a permis de franchir certains obstacles à l’accès aux marchés africains – et de casser les idées reçues de l’industrie – et cela remonte à son expérience dans la boutique de vin de son défunt mari à Lagos, au Nigeria, à la fin des années 2000. « Associer la cuisine nigériane et africaine à des vins venus du monde entier a été une véritable révélation pour moi et un succès certain. Nos plats contiennent tellement d’umami que les accords avec, par exemple, le Champagne ou des vins blancs comme le Riesling deviennent très simples, malgré les réticences qu’on peut avoir à servir du vin avec des plats épicés. »

Chinedu Rita Rosa a prouvé que les plats africains peuvent parfaitement s’accorder avec des vins du monde entier

« Le talent ne doit pas forcément être blond aux yeux bleus »

Son approche vise à démontrer que « l’ouverture d’esprit ne peut qu’élargir les opportunités commerciales dans le vin ». Après avoir quitté la gestion des XO Wine Stores, qui comptaient jusqu’à 300 références, pour s’installer à Bordeaux, elle a rapidement confronté la dure réalité d’évoluer dans un monde du vin dominé par les hommes, souvent perçu comme un « club réservé aux garçons blancs ». C’est de cette frustration qu’est née la Bordeaux Mentor Week, lancée en 2022 avec sa mentor et amie Jane Anson. « Je veux que les gens prennent conscience des ressources qu’ils gaspillent en ne recrutant pas des personnes d’autres origines. Ne réalisent-ils pas combien il est précieux, lorsque l’on travaille dans un pays africain, que son interlocuteur vienne justement de ce pays ? » Rosa et Anson se sont données pour mission d’offrir un coup de pouce à « ceux qui ne viennent pas d’un milieu bordelais idéal, mais qui sont passionnés par le vin ». Soutenue par des châteaux prestigieux comme La Lagune, l’édition inaugurale a attiré 150 candidats, chiffre qui a maintenant grimpé à 450. « Il y a tellement de talents, et ces talents n’ont pas besoin d’être blonds aux yeux bleus », affirme Rosa, qui commence à voir ses efforts reconnus. « On comprend aujourd’hui que la Chine et les États-Unis ne répondent plus aux attentes, et je reçois des emails tous les jours concernant l’Afrique. En tant que banquière, je sais que la première règle est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il faut diversifier ». Avec une population qui devrait doubler d’ici 2050 et une nette amélioration du niveau de vie et de la richesse, une grande partie de cette diversification pourrait très bien venir de l’Afrique…

Chinedu Rita Rosa insiste sur le fait qu’on ne peut pas se lancer sur un marché sans le comprendre ni être prêt à y investir