
Découvertes
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Par Jean-Paul Burias - Photographie de Courtesy of the estates : Etienne Ramousse, le 11 août 2025
Au cœur du vignoble français qui recense le plus grand nombre d'appellations d'origine contrôlées (AOC), voir se développer une autre famille que celle des vins tranquilles, pourrait surprendre. Sans réelle concurrence avec le Champagne, mais avec le sceau de la qualité, les Crémants de Bourgogne rayonnent en offrant une nouvelle source de fidélisation aux amateurs de grandes appellations.
Avec 3 200 opérateurs, 254 000 hl et 22 millions de cols en 2023, ils surfent sur une dynamique forte et les dernières tendances de consommation. Leur succès est dopé par des prix attractifs et une facilité à s’adresser à chaque instant de dégustation, de l’apéritif au dessert. Pourtant, si la Bourgogne produit des effervescents depuis le XVIIIème siècle, il faut attendre 1975 pour que l’appellation régionale soit officialisée par décret. « Après un âge d’or à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, puis une période difficile après la Seconde Guerre mondiale, l’avènement du Crémant de Bourgogne a posé les fondations d’une nouvelle ère pour renouer avec les succès d’antan », analyse Pierre du Couëdic, délégué général de l’Union des producteurs et des Élaborateurs de Crémant de Bourgogne (UPECB). « Depuis, le développement de sa notoriété et de son image se sont faits progressivement sur le marché français à compter des années 1990, puis à l’export en 2000 ». En plein essor, ils conquièrent chaque année de nouveaux marchés intérieurs avec les troisièmes volumes en France, derrière les Crémants d’Alsace et de Loire, et à l’export, notamment aux États-Unis premier consommateur étranger, malgré la concurrence du cava en Espagne ou du prosecco en Italie. Au-delà des chiffres, cette croissance exponentielle souligne la reconnaissance d’un vrai savoir-faire.
Depuis 1951, les crémants Vitteaut-Alberti puisent leurs arômes dans un terroir exceptionnel. Ses fondateurs, Lucien Vitteaut et son épouse Maria, née Alberti, prennent le parti singulier à l’époque, de se spécialiser dans l'élaboration de blancs mousseux. En 2004, leur petite-fille, Agnès, fille de Gérard et Danielle Vitteaut, intègre la maison afin de perpétuer l'esprit familial entre finesse de bulles et élégance. « La progression a été continue, avec des changements de gouts, du crémant blanc historique au rosé dans les années 2010, puis le blanc de blancs et depuis cinq ans un dosage plus bas », estime-t-elle. « On s’adapte à la demande et aux goûts du public avec des cuvées spéciales ou un élevage long. Ce succès s’explique par la faible teneur en alcool, une solide légitimité au niveau qualitatif et des critères d’élaboration strictes, avec des vendanges à la main et deux agréments à passer, l’un en vin de base l’autre en vin fini ». La notoriété et le prestige du terroir bourguignon représente un atout à l’export, avec une appellation lisible et non complexe. « Nous sommes bien situés par rapport à la concurrence du Champagne par exemple, reprend Agnès Vitteaut. Nous avons une forte part d’achat pour des évènements informels pour le plaisir d’ouvrir une bouteille. Avec son profil décomplexé, le Crémant de Bourgogne est plus abordable pour les non avertis ».
Agnès Vitteaut, gérante du domaine Vitteaut-Alberti
Le domaine Vitteaut-Alberti
Depuis sa première médaille en 1908, la Maison Veuve Ambal n'a cessé d'étoffer son palmarès dans les concours les plus prestigieux pour devenir le plus important élaborateur de Crémants de Bourgogne, après une belle et émouvante histoire. Né à Rully en 1859, Anne-Marie Ninot épouse à 20 ans Antoine Émile Ambal, un banquier vivant à Paris avec qui elle a deux enfants. Au décès de son mari, elle revient dans son village natal. En 1898, elle décide de créer une exploitation viticole et l’appelle Veuve Ambal. Devenue une référence, la Maison s'installe en 2005 aux portes de Beaune dans un bâtiment aux lignes futuristes. En 2010, Aurélien Piffaut, sixième génération de la famille apporte son dynamisme. « Nos crémants se distinguent par leur élégance et leur finesse », explique-t-il. « Élaborés principalement à partir de chardonnay et de pinot noir, avec des touches d'aligoté et de gamay, ils offrent des arômes délicats de fruits blancs, de fleurs et des notes briochées. La prise de mousse en bouteille, combinée à un vieillissement sur lattes de 12 à 18 mois, assure une expérience de dégustation gourmande et aérienne ». La demande accrue pour les vins effervescents, combinée à un positionnement attractif en termes de prix, de plaisir, d'origine et d'authenticité, a séduit de nombreux consommateurs. « Notre succès repose en particulier sur la fidélité historique de nos clients et plus récemment sur nos percées à l'export. Nous sommes présents dans 70 pays », souligne Florian Migeon, directeur marketing. « Nos crémants élaborés selon la méthode traditionnelle offrent une valeur exceptionnelle tout en reflétant le caractère distinctif de la Bourgogne. Cette approche séduit une clientèle en quête de qualité et d'authenticité ».
Éric et Aurélien Piffaut, cinquième et sixième génération de Veuve Ambal
Un bâtiment aux lignes futuristes
Créée par Charles Loron en 1932, cette maison présente la particularité d’être la seule du Beaujolais à élaborer des effervescents traditionnels authentiques. Du pied de vigne à la mise en bouteille, elle valorise le caractère propre à chaque millésime à travers une vinification et un élevage suivi et contrôlé. Quatrième génération de la famille, Frédéric Loron et sa sœur Sandrine rejoignent l’entreprise en 1992 puis en 1996. « Nos crémants sont composés de chardonnay et/ou de pinot qui sont pour nous les meilleurs cépages », analyse-t-elle. « Plus dans la finesse, ils rivalisent avec de nombreux Champagnes. Le consommateur a mis longtemps à accepter le crémant, car à sa création, il le considérait comme un mousseux. Maintenant, grâce à la qualité du produit et au rapport qualité-prix, il n'a rien à lui envier et le remplace souvent ». Dans une gamme complète de crémants et de blancs de blancs, la cuvée Impériale Brut synthétise toutes ces particularités avec une robe cristalline, des bulles d’une rare finesse et des parfums qui expriment toute leur maturité.
Frédéric Loron qui a rejoint Loron Louis et fils en 1992
Visionnaire et précurseur, Louis Bouillot a été un des premiers en 1877 à transformer des raisins de haut lignage en des vins de haute pétillance à Nuits-Saint-Georges. Fidèle à cet esprit inventif, la maison continue l’exploration de cuvées gourmandes. « Nos crémants expriment toute la beauté du fruit des cépages bourguignons », témoigne Pierre Jury, directeur. « À force de travail, sa notoriété n’a cessé de progresser depuis sa création. Le cahier des charges s’est affiné afin de viser l’excellence année après année. Son image évolue dans le bon sens et sa renommée est désormais mondiale ». La plupart des producteurs possèdent un vignoble dédié à ce type de production. « Avec celui du Jura, le Crémant de Bourgogne est sans doute le plus champenois des effervescents, par l’utilisation du pinot noir et du chardonnay et sa proximité géographique », reprend Pierre Jury. « Nous bénéficions également d’un nom porteur, qui fait rêver les amateurs de vin du monde entier. Nos crémants permettent à des consommateurs d’accéder à des Bourgognes à des prix plus que raisonnables.».
Pierre Jury, directeur, et Frédéric Brand oenologue de la Maison Louis Bouillot
l'équipe de la Maison Louis Bouillot
la Maison Louis Bouillot
Parmi les incontournables de Bourgogne, les espaces naturels préservés du Châtillonnais occupent une place originale qui gagnent sans cesse en renommée. Sa situation frontalière avec la Champagne explique son orientation vers la production de subtils effervescents. Plantées sur des côteaux pentus et bien exposés, les vignes bénéficient de conditions optimales pour la maturation des raisins. Sylvain Bouhélier plante les premières parcelles du domaine en 1988. Il est rejoint par son épouse Anne en 2006, puis par son fils Paul en 2016. « Nos différents crémants explorent toutes les dimensions de nos terroirs, de nos cépages et de la méthode traditionnelle », souligne Paul Bouhélier. « Nous cherchons la maturité du fruit et la finesse du gout. Le terroir Châtillonnais permet une fraicheur et une pureté très bénéfiques ». Pour autant, le Crémant de Bourgogne a connu des débuts difficiles et il a fallu convaincre et s'imposer. « Il n'y a pas eu d'études de marché ou de grandes campagnes de communication », ajoute Paul Bouhélier. « Juste des vignerons convaincus des atouts de leurs terroirs et de leur savoir-faire. Le succès est arrivé progressivement et s'accentue ces dernières années avec un fort développement de l'export. Le consommateur a ouvert les yeux sur un incroyable rapport qualité-prix. Enfin, il s'inscrit dans une longue histoire de production de vins effervescents en Bourgogne, qui n'est certes pas encore assez connue, mais qui est riche et unique ».
Paul Bouhélier dans la cuverie qui vinifie les vins et crémants du domaine depuis 2017.
l'équipe du domaine Bouhélier, Anne, Sylvain et Paul Bouhélier et des employés
Créée en 1945, la Maison Albert Sounit est propriété Danoise depuis 1993, avec Søren Nørbjerg comme actionnaire principal depuis 2022. L'équipe locale dirigée par Anne Mourllion, directrice et Sébastien Sécher, œnologue, exploite aujourd'hui 16 hectares de vignes et complète la gamme avec des achats de raisins. « Notre force est de produire autant de crémants que de vins tranquilles, soit respectivement 60 000 et 65 000 bouteilles par an, ce qui nous rend uniques », explique Anne Mourllion. « Les sols essentiellement argilo-calcaires favorisent la production de pinots noirs et de chardonnay remarquables ». Soucieux de l'environnement, le domaine a toujours respecté les codes de l'agriculture raisonnée et s’est engagé en 2022 dans la certification biologique. « Nos crémants se caractérisent par leur minéralité, leur fraicheur et leur finesse » explique Sébastien Sécher. « Nous en expédions beaucoup au Danemark, en Italie et en Belgique, avec de beaux indices de satisfaction ».
la Maison Albert Sounit
Anne Mourllion, directrice de la Maison Albert Sounit avec Søren Nørbjerg, propriétaire et Sébastien Sécher, œnologue
À quelques encablures du château de Rully, la Maison Louis Picamelot est un passage obligé pour tous les amateurs de Crémants de Bourgogne. Son histoire commence en 1926, lorsque Louis Picamelot se démarque en étant un des premiers vignerons du village à se lancer dans la production de Bourgognes en méthode traditionnelle. Actuel propriétaire, son petit-fils Philippe Chautard a rejoint l’entreprise en 1981, avant d’en devenir dirigeant en 1987. « Nos crémants sont avant tout des Bourgognes, qui s’accordent à tous les mets, autour de ses trois cépages emblématiques, le pinot noir, le chardonnay et l’aligoté », explique-t-il. « Concrètement, cela se traduit par une production à 100 % millésimée, avec quatre grandes catégories, les vins de gastronomie, les cuvées parcellaires, les assemblages de terroirs et les cuvées hommages comme 90 ans ou Héritage 1926 ». Une excellence totalement confirmée par les notes obtenues lors de notre dernière dégustation (90 à 92/100).
Philippe Chautard, propriétaire de la Maison Louis Picamelot
La dynamique des Crémants de Bourgogne n’est plus une surprise mais une belle réalité. Les fines bulles sont plébiscitées, dans une tendance où de nombreux amateurs privilégient une consommation apéritive. Les raisons de ce succès sont multiples. « Pour exister, il est nécessaire d’avoir un volume et une disponibilité », décrypte Pierre du Couëdic. Le nombre d’opérateurs se développe tout comme les circuits commerciaux. La qualité et le prix participent bien évidement à son développement ». Le Crémant de Bourgogne se calque sur sa célèbre région et ses spécificités. Ses cépages, son terroir, ses grandes maisons et son histoire font que l’on ne peut pas le dissocier des autres vins d’appellations. Certes la concurrence s’avère toujours plus complexe, avec d’autres effervescents, la vague des cocktails ou la bière. Mais avec près de 50 % des volumes à l’export, il répond parfaitement aux codes de la consommation actuelle, de l’afterwork, à la quête de moments de détente, de partage et surtout de plaisir.
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