Découvertes

Labels HVE et Bio, la Bourgogne s’engage !

C’est un engagement fort qui valorise encore plus une région viticole mythique. En Bourgogne, le nombre de domaines certifiés Haute Valeur Environnementale a doublé depuis 2020. Cet engouement s’inscrit dans une démarche de qualité historique. Gilbert & Gaillard a voulu en savoir plus sur ce phénomène et a enquêté au cœur du vignoble…

Les vignes du Domaine Yvon et Laurent Vocoret.

Les vignes du Domaine Yvon et Laurent Vocoret.

 

L’investissement dans une démarche vertueuse et des pratiques plus respectueuses de l'environnement s’invite dans le travail des vignerons. Réputée pour ses appellations prestigieuses, la Bourgogne bénéficie de l’engagement d’un nombre croissant de domaines qui produisent des vins suivant les principes de l’agriculture biologique lors du travail de la vigne et en cave. En France, la Haute Valeur Environnementale (HVE) correspond au niveau le plus élevé de la certification environnementale des exploitations agricoles. Depuis la mise en œuvre du dispositif en février 2012, le nombre d'exploitations certifiées a connu un développement constant. Au 1er juillet 2021, plus de 19 OOO exploitations avaient obtenu cette mention valorisante, dont une large part de domaines viticoles. A l’issue du processus de certification, la mention HVE atteste d’exploitations qui encouragent la biodiversité et offrent un réseau complémentaire aux cultures, préservent la vie des sols pour maintenir le vivant et la fertilité des parcelles, développent des synergies positives avec l’environnement naturel des cultures et favorisent le développement d’une faune utile, dont les précieux pollinisateurs. Ces critères s’inscrivent au cœur du travail de la vigne avec une production plus autonome vis-à-vis des produits phytosanitaires et de traitement, et la gestion de l’eau. La certification laisse une liberté d’action au viticulteur. Il peut choisir les moyens les plus adaptés aux caractéristiques de son vignoble, sol, climat, taille des parcelles, pour développer des pratiques environnementales qui respectent le caractère unique de son terroir, et donc de ses vins. « Pour obtenir le label, le vigneron doit préparer un dossier, puis solliciter un audit par un organisme extérieur accrédité », explique Cécile Mathiaud, responsable des relations media au Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB). « Un premier audit intermédiaire est réalisé 18 mois après la certification pour vérification. Puis il faut faire un renouvellement tous les trois ans. La démarche n’est pas forcément un palier nécessaire avant le passage en agriculture biologique plus contraignant. Les deux étapes ne sont pas liées. Chacun peut suivre l’itinéraire qu’il souhaite, prendre HVE comme une étape vers le bio, rester en HVE ou passer directement en bio sans faire de HVE ».

Voici maintenant le parcours singulier de huit domaines bourguignons, qui illustrent parfaitement la grande diversité de ce vignoble.

 

 

Domaine Jessiaume: des pratiques très vertueuses

 

A Santenay en Côte de Beaune, le domaine Jessiaume se place au cœur de la Bourgogne viticole. Ses 15 hectares de vignes surmontent les coteaux des plus célèbres communes de la région comme Beaune, Pommard, Volnay, Auxey-Duresses ou Santenay. Crééé en 1850 par la famille Jessiaume, le domaine a ensuite été la propriété de l'écossais David Murray (entre 2006 et 2020) qui a instauré des pratiques respectueuses de l’environnement dans lesquelles les manipulations et les triturations sont réduites au maximum. La récolte s’effectue manuellement en caisses tout comme le tri. Des tapis élévateurs sont utilisés pour l’encuvage. Les vinifications sont réalisées avec des levures naturelles et les vins élaborés avec des extractions douces et maîtrisées. Le domaine est repris en 2020 par le docteur Jean-François Le Bigot qui poursuit cette exigence d’une production de vins élégants, d’une grande pureté et fins qui respectent les terroirs et la volonté d’une qualité extrême et durable. « La pratique de la viticulture biologique certifiée permet d’obtenir une plus grande et plus pure expression des terroirs », affirme William Waterkeyn, œnologue du domaine. « Au chai, la démarche va au-delà de la certification. Nous vinifions en levures indigènes, sans intrants oenologiques et sans sulfites avant fermentation. Ces pratiques nous permettent d’exprimer pleinement les origines de nos cuvées. Nos vins sont signés par les terroirs qui se reconnaissent à l’aveugle. La complexité est grande et c’est une force ».

 

William Waterkeyn, oenologue du Domaine Jessiaume.

William Waterkeyn, oenologue du Domaine Jessiaume.

 

Jean-François Le Bigot, propriétaire du Domaine Jessiaume.

Jean-François Le Bigot, propriétaire du Domaine Jessiaume.

 

 

Domaine Doreau: une démarche très intégrée

 

Au sein de ce remarquable domaine, le travail du vin constitue une histoire de famille transmise au fil des générations. Dès la fin du XIXe siècle, Pierre Doreau achète des parcelles pour replanter les vignes détruites par le phylloxéra. Ce début d’activité va ensuite prospérer et se développer. Aujourd’hui, le domaine Doreau produits des vins authentiques en cultivant des cépages nobles sur 6 hectares portés par de grandes appellations comme Monthélie et Pommard. Les méthodes de culture et de vinification s’inscrivent dans une logique de viticulture durable, respectueuse de l’environnement et des terroirs. Cette exigence a permis d’obtenir la certification Haute Valeur Environnementale en 2019. Ainsi, les vignes sont labourées de mars à juillet. Le reste de l’année, il a été choisi de laisser s’installer un couvert végétal naturel avec des contours enherbés.

 

 

Gérard Doreau, entouré de son épouse Réjane et de ses deux enfants, Jérôme et Emilie.

Gérard Doreau, entouré de son épouse Réjane et de ses deux enfants, Jérôme et Emilie.

 

Les traitements sont raisonnés en utilisant le plus possible des produits autorisés en agriculture biologique. « L’obtention du label n'as pas eu un effet particulier sur nos méthodes de culture car nos pratiques correspondaient déjà au référentiel HVE », souligne Jérôme Doreau, gérant du domaine. « Par ailleurs, il est difficile de déterminer si cette conversion s’est accompagnée d’un regain d’attractivité et de demandes, tant les Bourgogne ont la cote en ce moment et les stocks sont faibles. Le label n'attire pas forcement. En revanche, il satisfait nos clients à la cave qui nous interrogent sur nos pratiques. Mais cela ne constitue pas encore un atout pour l’export. »

 

Le célèbre village de Monthélie

Le célèbre village de Monthélie.

 

 

Domaine Berger-Rive: une histoire de famille

 

Le savoir-faire se transmet de génération en génération dans la famille Berger-Rive, et depuis deux ans cet art du partage a pris une nouvelle orientation. D’une superficie de 26 hectares dont 16 en AOP Hautes-Côtes de Beaune, Bourgogne Pinot Noir et Bourgogne Aligoté et 10 au nord de la Côte Chalonnaise en AOP Rully et Mercurey, le domaine est certifié HVE depuis janvier 2020, 2017 étant le premier millésime a bénéficié du label. Son histoire commence après la Révolution Française, lorsque des aïeux de la famille Berger font l’acquisition du Prieuré de Mercey et de ses vignes. Le domaine évolue au fil des générations, grâce notamment à Gérard Berger qui plante 12 hectares de vignes, avant de lui donner en 1960 le nom de Berger-Rive, fruit de la juxtaposition du nom de sa femme Laure Rive au sien. Son fils Xavier Berger le rejoint en 1977 avant de prendre la direction du domaine en 1989, qu’il agrandit progressivement sur d’autres terroirs, pour atteindre 22 hectares. La quatrième génération arrive en 2015. Paul Berger, benjamin d’une fratrie de trois enfants de Xavier poursuit cette belle aventure viticole, familiale, patrimoniale et culturelle. 

 

Paul Berger qui a pris les rênes du domaine Berger-Rive en 2020

Paul Berger qui a pris les rênes du domaine Berger-Rive en 2020.

 

Xavier Berger qui a assuré la direction du domaine de 1989 à 2020

Xavier Berger qui a assuré la direction du domaine de 1989 à 2020.

 

Après cinq années de collaboration en duo avec son père, Paul prend les rênes du domaine en 2020, tout en portant la surface cultivée à 26 hectares dans une démarche vertueuse et durable. « C’est une grande fierté pour toute notre équipe et une belle reconnaissance de tous les efforts consentis depuis des années sur l’exploitation familiale en faveur de la biodiversité et de l’environnement, analyse-t-il. Les vignes sont conduites dans le respect d’une viticulture durable, avec la volonté de réintroduire des méthodes culturales anciennes comme le bêchage ». Les deux tiers du domaine sont plantés en vignes hautes qui atteignent 2 mètres, avec un inter-rang de 2,50 m. Ce mode de plantation créé un environnement plus sain. Il réduit la pression des maladies et permet de limiter les traitements phytosanitaires. 

 

 

Yvon and Laurent Vocoret: la grandeur du Chablis

 

Ils aiment leur métier qui constitue le fil conducteur d’une saga familiale depuis 5 générations. « Notre famille s’inscrit dans l’histoire de la culture de la vigne au cœur du Chablis depuis 1713 » raconte Yvon Vocoret. Elle commence avec Jean Vocoret, vigneron, puis a été transmis au fil des ans le fruit, la noblesse et la passion de cette activité. « Depuis 40 ans, nous utilisons des amendements organiques, ce qui oblige notre sol à travailler afin de transformer la matière organique en matière minérale pour que la vigne puisse se nourrir. Produire d’une façon raisonnée, garantit une vendange de qualité ». 

 

Un futur vigneron.

Un futur vigneron.

 

Depuis trois ans, le domaine a opté pour le respect des sols avec un labourage et un binage afin de supprimer les désherbants et maîtriser les traitements. « Cela demande une énorme surveillance pour assurer la qualité de la récolte et la longévité des vignes en bonne santé », décrypte Laurent Vocoret. « Nous n’effectuons plus de traitement anti-botrytis ou pourriture grise, ce qui permet d’obtenir une maturité à la vendange harmonieuse et des pellicules plus fines et riches pour une meilleure qualité de moûts ».

 

Laurent et Clémentine Vocoret

Laurent et Clémentine Vocoret.

 

Laurent Vocoret

Laurent Vocoret.

 

 

Domaine Vincent Wengier: un engagement permanent

 

Les vignes sont ici conduites en rang étroit, typique de la région. Pour être encore plus respectueux de l’environnement, le domaine est passé en conversion vers l’agriculture biologique qui s’appliquera dès la vendange 2023. Ce domaine familial exploite 25 hectares de vignes, réparties sur cinq appellations, Chablis, Petit Chablis, Aligoté, Bourgogne chardonnay et depuis peu Bourgogne rouge avec une première récolte en 2021.

 

Vincent Wengier dans ses vignes

Vincent Wengier dans ses vignes.

 

Désherbées mécaniquement 4 à 5 fois par an, les parcelles donnent des vins droits précis, avec beaucoup de fruit, de richesse et de rondeur. « Le label HVE met en avant les bonnes pratiques viti-vinicoles », rappelle Vincent Wengier. Il n'y a pas de notion de production, mais de baisse d'intrant, avec une maitrise de la fertilisation, du volume de produits phytosanitaires épandu chaque année et le développement de bandes enherbées, de haies et d’arbres. Avec la conversion agriculture biologique, les deux certifications sont différentes et complémentaires. L'une agro-environnemental, l'autre pour un produit final sans résidu de pesticide. « C'est un plus lorsque l'on en parle auprès des clients particuliers », reprend Vincent Wengier. « Mais elles restent encore mal connues du grand public. La plupart des consommateurs pensent que c'est la première marche avant le bio, alors que cela reste différent et complémentaire ».

 

Preparation au Domaine Vincent Wengier

Preparation au Domaine Vincent Wengier.

 

 

Vignoble Angst: un couple engagé

 

Céline et Antoine Angst ne manquent jamais une occasion de prouver leur engagement. Non issu d’une famille de vignerons, ce couple a fondé le Vignoble Angst en 2013, en conversion biologique depuis 2020 et labellisé HVE. L’objectif est de mettre en valeur le terroir bourguignon en lien avec une gamme de vins variée, Chablis, Bourgogne blanc et rosé, Irancy et Crémant de Bourgogne. « Cette démarche de viticulture raisonnée est pour nous une évidence, argumente Céline Angst. Nos cuvées sont des vins de terroir vinifiés le plus simplement possible en cuve inox pour exprimer la minéralité d’une terre différente des autres régions, avec le moins d'intrants possible. C’est aussi un plus à l'export qui valorise le produit. Par exemple, nous vendons au Canada depuis un an grâce à la conversion. Nos acheteurs ne prennent plus de nouveaux partenaires non labellisés. »

 

Céline et Antoine Angst

Céline et Antoine Angst.

 

Les vignes du Domaine Angst

Les vignes du Domaine Angst.

 

 

Domaine Camille et Laurent Schaller: des cépages emblématiques

 

Au cœur du vignoble de Chablis, le village de Préhy attire de nombreux touristes par sa vue imprenable sur les coteaux et son église Sainte-Claire, dressée au milieu des vignes. Laurent Shaller et son fils Camille cultivent sur 18 hectares trois cépages emblématiques de la Bourgorgne, les blancs chardonnay et aligoté et le pinot noir. Les vignes sont plantées sur un sol argilo calcaire, typique du chablisien, qui confère aux vins finesse, minéralité et pureté. L'élevage se fait en cuve inox thermorégulée ou fût, sur lies fines. Le domaine a obtenu en 2020 la certification Haute Valeur Environnementale. « En 2014, après mon arrivée dans l’exploitation familiale, nous avons commencé la vinification et la commercialisation de notre propre vin », se rappelle Camille Schaller. Le label reconnaît l’engagement du domaine dans des démarches respectueuses de l’environnement avec l’adoption de techniques à faible impact en matière de biodiversité et peu dépendant aux intrants. »

 

Laurent et Camille Schaller dans leurs vignes

Laurent et Camille Schaller dans leurs vignes.

 

 

Domaine Jean Féry & Fils : l’atout de la diversité

 

Entre l’axe mythique Beaune - Nuits-saint-Georges, le domaine Jean Féry & Fils étale ses 30 hectares de vignes qui s’égrènent du nord au sud de la Bourgogne. Dans une véritable mosaïque de climats, le domaine produit 22 appellations différentes, comme un habile témoignage de la diversité de la région. Après avoir succédé à ses parents en 1988, Jean-Louis Féry a souhaité donner les moyens à son domaine de se développer et d’investir par le biais de travaux de rénovation et l’acquisition de parcelles. Converties en viticulture biologique depuis 2011, le domaine s’appuie sur une équipe qui ne ménage ni son temps, ni son énergie pour dynamiser le domaine au quotidien, autour de ses fils, Frédéric et Laurent Féry. 

 

Frédéric Féry devant l'entrée du Domaine Jean Féry & Fils

Frédéric Féry devant l'entrée du Domaine Jean Féry & Fils.

 

« Nos vins sont l'expression authentique des climats de nos 30 crus en blanc et rouge », explique Frédéric Féry. « La culture certifiée bio depuis 2011 est un pilier fondamental de notre stratégie de qualité et de respect de la nature et de nos terres. Elle implique concrètement un surplus de travail. Par exemple le traitement des sols ne se fait que par une vision mécanique labour ou piochage annuel. Il s'agit d'un travail permanent et constant tout au long de la saison de la culture des vignes ». Chaque année, un audit est nécessaire pour vérifier le bon fonctionnement des règles internes. « En terme économique, le coût d'exploitation en approche biologique est estimé de 30 à 40 % supérieur aux cultures classiques », reprend Laurent Féry. « On constate un regain d’attractivité et de demandes depuis cette conversion. C’est un gage reconnu par une clientèle d'amateurs français et internationaux et un atout pour l’export en particulier en Europe et en Asie. »

 

A superb location for growing wines at Domaine Jean Féry & Fils

Un superbe terroir au Domaine Jean Féry & Fils.

 

 

HVE : un label très prisé des vignerons

 

Dix ans après son apparition en 2012, le label Haute Valeur Environnementale a su susciter l’intérêt de nombreux vignerons bourguignons qui placent leur activité au cœur des enjeux environnementaux. Les demandes de certification se développent dans une logique raisonnée. Pour autant, cette mention valorisante reste encore très inféodée à la production française. Elle ne constitue pas encore forcément un argument commercial à l’export, malgré un coût d’exploitation supérieur à une viticulture classique. En effet, le label reste encore beaucoup trop peu connu hors de France, même s’il commence à susciter un réel intérêt notamment en Scandinavie. Dans une spirale positive et vertueuse, il convient toutefois de ne pas oublier qu’avec ces pratiques, les vins risquent de subir, plus fortement les aléas climatiques et les « effets-millésime ». Les cuvées peuvent apparaître moins régulières et moins standardisées d’une année à l’autre, ce qui peut aussi être vu comme un atout. Pour autant le label HVE démontre une volonté de sérieux et un vrai souci d’engagement vers l’avenir. Par ailleurs du fait de leur notoriété, les consommateurs attendent une démarche responsable et qualitative en lien avec la réputation et la qualité des vins de Bourgogne. Un label comme celui-ci constitue une solution intéressante pour répondre positivement en partie à ces attentes.