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Par Isabelle Escande - Photographs: courtesy of the estates, le 15 juillet 2025
Sacré champion mondial de l’œnotourisme, à l’occasion de Fibega, la Foire Internationale du Tourisme Gastronomique en 2024, le Portugal occupe dernièrement la tête du classement des meilleures destinations pour le tourisme vitivinicole. Suivi de près par son voisin espagnol qui fut l’un des premiers pays européens à miser sur cette activité et flairer son potentiel. Un bien bon calcul, car le marché représente de nos jours plusieurs milliards d’euros annuels…
Les choses ont bien changé depuis le timide début de l’œnotourisme dans les années soixante-dix. Aujourd’hui, la filière engendre des millions de visiteurs (la Rioja accueille à elle seule plus de 800 000 visiteurs par an) et les vignobles deviennent des destinations à part entière. La traditionnelle visite-dégustation a fait place à des offres variées et innovantes, pas seulement destinées aux connaisseurs aguerris.
Mais pourquoi un tel engouement ? L'œnotourisme répond à certaines demandes actuelles, comme “la recherche de l’authentique”, du savoir-faire et du local. Et les bodegas ont bien pris conscience de ces nouvelles attentes des visiteurs, qui sont moins là pour l’apprentissage, que pour l’expérience unique qu’ils vont vivre. C’est pourquoi d’ailleurs, les maisons viticoles font preuve d’une grande imagination à l’heure de faire découvrir leurs vignobles.
Il faut dire que l’arrivée de ces visiteurs en nombre, au pouvoir d’achat élevé, représente une belle opportunité pour les entreprises viticoles en proie à un contexte économique compliqué (baisse de la consommation mondiale de vins, notamment chez les jeunes, hausse générale des coûts de production ou encore concurrence féroce). L'œnotourisme permet de faire connaître ses produits, de se démarquer et bien sûr de vendre, mais pas seulement. Il s’appuie sur le partage d’une histoire et d’un art de vivre propres à un lieu. Il réconcilie l’activité touristique avec le local et s’avère une alternative au tourisme de masse destructeur d’une identité territoriale. Quatre bodegas, deux espagnoles et deux portugaises, nous expliquent leur point de vue sur la question, les enjeux derrière l’œnotourisme, et les offres qu’elles ont mise en place pour favoriser son développement.
Les aspirations des consommateurs changent, tout comme celles des vignerons, notamment les plus jeunes, plus enclins à ouvrir leur activité aux visiteurs. “L’œnotourisme est une extension naturelle de notre passion pour le vin et notre métier. Dès le début, nous avons cherché à développer l’œnotourisme, qui fait désormais partie intégrante de notre identité” souligne Cláudia Santos, Brand Manager d’AdegaMãe, maison viticole inaugurée en 2011, dans la région de Lisbonne, à proximité de l'Atlantique. Les options pour découvrir les vins frais et minéraux de la propriété sont multiples (visites guidées, dégustations de vins, expériences gastronomiques, brunchs œnologiques, ou encore programmes spécifiques comme « winemaker for a day”), mais toutes ont comme objectif de faire vivre une expérience unique aux œnotouristes. Car si la diversité de son offre lui permet d’attirer un large public, AdegaMãe a bien conscience de cette volonté commune de vivre une aventure inédite. “Nous avons constaté une augmentation de la demande pour les expériences personnalisées. De plus en plus de visiteurs recherchent des expériences authentiques qui leur permettent une immersion totale dans l’univers du vin”.
Le restaurant d’AdegaMãe a reçu le titre de “Meilleur Restaurant d’Œnotourisme du Portugal”
La propriété peut s’appuyer sur son cadre exceptionnel ou encore son architecture moderne pour séduire les visiteurs (qui sont, nous précise Cláudia, à la fois nationaux et internationaux) et les faire entrer dans son univers, mais l’enjeu n’est pas seulement là. “L'œnotourisme permet d’assurer un lien plus fort entre notre vin, la gastronomie et la région”. Les efforts de la maison pour créer cette union ont d’ailleurs porté leurs fruits, puisqu’elle a reçu plusieurs récompenses dans ce domaine, notamment le Prix National de l’Œnotourisme APENO dans la catégorie de “Meilleur Restaurant d’Œnotourisme du Portugal”, attribué à son établissement culinaire Sal na Adega.
Située à Torres Vedras, AdegaMãe compte 100 hectares de vignes
Si la région de Lisbonne, comparée à d’autres zones viticoles du Portugal, a encore, malgré son énorme potentiel, “du chemin à parcourir pour attirer davantage de visiteurs et se positionner comme une référence en œnotourisme”, AdegaMãe est bien décidée à contribuer à sa reconnaissance croissante avec ses offres de qualité. Et la proximité avec la capitale constitue un précieux atout nous souffle Cláudia… Aucune excuse donc pour ne pas aller rendre visite à cette belle région dotée d’une longue tradition vitivinicole !
La salle réservée aux événements. Un espace de conférence est en cours de création
La propriété produit des vins blancs, rouges, rosés et effervescents
Depuis que la Bodega Sommos, située en plein cœur de l’appellation Somontano (au pied des Pyrénées), a commencé à développer ses activités d’œnotourisme en 2014, elle n’a pas cessé de réinventer ses offres jusqu’à devenir une référence de la région en la matière. Elle a d’ailleurs remporté le Prix de la Meilleure Expérience Touristique d'Aragon 2024 avec son activité “VolanDO Sommos", conçue pour que les visiteurs puissent contempler la bodega et son environnement sous un angle différent : en la survolant en parapente motorisé. Il faut dire que la bodega en impose avec son impressionnante structure faite de cubes entrelacés en verre et en acier. Elle est d’ailleurs réputée comme l'une des merveilles architecturales du monde viticole.
La nouvelle activité de paramoteur mise en place par Bodega Sommos
La bodega étonne vue du ciel, mais aussi de l’intérieur avec son chai de 27 mètres de hauteur, qui utilise la gravité dans le transfert des raisins, du moût et du vin, pour éviter le pompage. Et puis, la propriété dispose de toutes les installations nécessaires (auditorium, wine bar, restaurant, salons, etc.) pour donner vie aux autres propositions œnotouristiques de la maison : visite de la cave, dégustations, accords mets et vins, balade en vélo électrique à travers le vignoble, vendanges nocturnes participatives, ateliers thématiques (cinéma, peinture, etc.) ou encore initiation à la taille des vignes.
Partir à la découverte des vins de Sommos, issus de vignes à faible rendement, lors d’une dégustation
“Chaque année les visiteurs sont toujours plus nombreux”, nous confie Diego Mur Torrente, le directeur marketing. “Ils viennent d’Espagne, mais aussi d’Europe en été et même du monde entier. Beaucoup sont des connaisseurs, mais on accueille aussi des néophytes”. Les retours de ces activités sont positifs à la fois sur le plan quantitatif (plus de visiteurs, plus de ventes dans la boutique), mais surtout “au niveau qualitatif” explique Diego. “Le plus important est le lien que nous créons avec ceux qui nous rendent visite”.
Avec ses 350 hectares de vignoble en propriété, répartis sur trois zones bien distinctes, la bodega offre un intéressant reflet de la richesse de l'A.O.P. Somontano. Certaines vignes de sauvignon blanc et de Garnacha Blanca sont même cultivées à plus de 1000 mètres d’altitude. Le voyage invite à prendre de la hauteur, assurément.
Le majestueux bâtiment de Sommos signé par l’architecte Jesús Marino Pascual
Entourée d’un jardin moderniste, au milieu des vignes du Penedès, la bodega Rovellats a, depuis ses débuts, ouvert ses portes aux curieux. “La famille a toujours compris l'importance de faire découvrir ses produits directement aux consommateurs afin de leur donner plus de valeur et de laisser un bon souvenir” souligne Sandra Benzal Vert, responsable œnotourisme de la maison. Mais depuis 2020, l’activité a pris une autre forme. “Nous avons rendu cela plus formel et régulier, avec des horaires définis et une offre variée de visites et de dégustations. Nous sommes désormais présents sur différentes plateformes de vente et de communication consacrées à ce secteur.” La bodega dispose aussi aujourd’hui de deux personnes à temps plein (du lundi au dimanche), exclusivement dédiées à l’œnotourisme.
Située à 12 mètres de profondeur, la cave Rovellats dispose d’une structure originale en étoile avec une rotonde centrale
Il faut dire que les activités ne manquent pas. Dégustation à l’aveugle, foulage des raisins aux pieds, concert, pique-nique dans le jardin, tour en bicyclette à travers les vignes… Les approches sont multiples pour faire connaître le travail de cette maison familiale, aujourd’hui tenue par la troisième génération, qui élabore ses cavas uniquement à partir de ses propres vignobles (elle compte 140 hectares).
L’activité d’œnotourisme s’est donc structurée, mais toujours conformément à ses valeurs, dans un cadre respectueux de l’environnement. La bodega a d’ailleurs reçu la certification Biosphere, une distinction qui met en avant l’engagement de Rovellats en faveur de la qualité et de la durabilité touristique. Et si l’un des challenges actuels est d'attirer plus de visiteurs en semaine, comme nous le confie Sandra, la bodega s’inscrit également dans une démarche globale. En associant le vin au patrimoine historique de la région, mais aussi en travaillant sur un réseau local (la propriété collabore avec des producteurs de la zone pour ses ateliers), elle aspire à des retombées plus larges, pas seulement quantitatives.
Des jardins de style moderniste entourent l'ancienne bodega datant du Xe siècle
Comme son nom l’indique, cette bodega au cœur du Penedès est indissociable de son hôtel 5 étoiles à l’architecture singulière. Inspiré par la forme des bouteilles empilées dans les caves, ce dernier rend hommage au génie d'Antonio Gaudí avec son toit en “trencadis”, mosaïque à base d'éclats de céramique, typique du célèbre architecte catalan. L’intention est claire. L’expérience touristique au sein de l’établissement va bien au-delà du simple loisir. Elle concilie plaisir, savoir-faire viticole et culture.
L’établissement dispose de tous les services pour un séjour de luxe
Parfaitement bien intégré dans les vignes des alentours, le bâtiment a été conçu pour minimiser son impact environnemental, grâce à sa construction basse, mais aussi grâce à son efficience énergétique. L’hôtel est doté entre autres de panneaux solaires, d’un système de réutilisation de l’eau de pluie et de chaudière à biomasse.
Ce souci de l’écologie se traduit également dans la bodega où les cavas sont élaborés exclusivement à partir de raisins bio, vendangés manuellement. Les variétés autochtones (macabeo, xarel·lo, parellada et trepat) sont principalement cultivées, même si le chardonnay s’invite dans certains assemblages. Les ateliers dégustation proposés par Mastinell ou une visite au restaurant de l’établissement, avec vue sur les vignes, sont un bon moyen de les découvrir !
La bodega Mastinell a été fondée en 1980 à Vilafranca del Penedès
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