
Découvertes
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Par Jean-Paul Burias, le 01 septembre 2025
Avec 246 000 hectares et 38 appellations et dénominations, le vignoble du Languedoc-Roussillon est le plus vaste de France. Sa variété de sols et de cépages et son climat typiquement méditerranéen façonnent une multitude de terroirs qui constituent autant d’atouts pour démontrer l’éventail de leurs spécificités. Mais pour quelle efficacité ?
La proposition est aussi importante que gourmande. Parmi les plus grands du monde, le vignoble du Languedoc-Roussillon se distingue par la richesse de ses conditions naturelles et une forte identité de terroir. Les conditions climatiques et la nature des sols ont conditionné le choix des cépages et leur lieu d’implantation. En apportant une meilleure cohérence et une meilleure lisibilité de l’offre, la reconnaissance par décret en 2007 de l’appellation Languedoc représente un enjeu majeur de la dynamisation d’une filière en plein développement. Au niveau commercial et marketing, elle répond à une évolution incontournable des ventes de cœur de gamme et de marques, pour constituer à moyen terme une référence, tant en termes de notoriété que de qualité. Pour les vignerons, cette qualification apporte une vraie plus-value. Chaque appellation valorise ses propres spécificités, ses caractéristiques, ses singularités et surtout un vrai savoir-faire.
L'équipe de direction des Domaines Auriol
Au sein de cet exportateur majeur de la région Occitanie, la tradition côtoie la transmission. Enfant, Claude Vialade accompagnait son père Jean dans les vignes d’un château des Corbières, dont il était régisseur. Après un début de carrière dans un groupement de producteurs viticole, elle créé en 2000 les Domaines Auriol et fait de son entreprise une référence à l'international dans l’appellation Corbières et les Indications géographiques protégées (IGP) Pays d’Aude et Pays d’OC. Puis elle passe le relais à l'un de ses enfants Jordi Salvagnac qui devient directeur opérationnel. La maison innove au plus près des dernières tendances des marchés français et internationaux avec pour la plupart un label écologique. « Les vins du Languedoc présentent la latitude de s’adapter à toutes les propositions, souligne Claude Vialade. En revanche, une image forte qualifiant la région est nécessaire. Nous souffrons encore d’un manque de précision dans un message positif et d’une communication forte, fédératrice et porteuse au niveau mondial, afin d’imposer une norme pour une région au potentiel exceptionnel. » Ainsi, 85% de la production possède une certification biologique et environnementale et 90% est vendue à l’international, notamment en Europe et au Canada. » Nous sommes reconnus pour produire des cuvées de style méditerranéen, reprend Claude Vialade. Nous avons une compétence plus qu’établie dans cette optique avec des marques réputées qui représentent un profil moderne et recherché. » Dans un contexte parfois délicat, la demande reste ainsi forte dans l’univers élargit des bios, aux profils nets, fruités, équilibrés et pouvant se boire à minima deux ans après la mise en bouteille.
Claude Vialade, propriétaire des Domaines Auriol avec son fils Jordi Salvagnac
Auguste Commeyras, propriétaire du Domaine l'Aiguelière devant les photos de son père et de son grand-père
Au pied des contreforts du Causse Larzac, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, le Domaine l’Aiguelière s’étend sur 18 hectares, où se distinguent les cépages syrah, grenache, mourvèdre et cabernet sauvignon pour les rouges et viognier et sauvignon pour les blancs. Créé au début des années 1960 par André Commeyras et son frère Aimé, il a réussi la transition d’une position de pionnier à une réputation internationale pour les appellations Montpeyroux et Terrasses du Larzac et l’IGP Saint-Guilhem-le-Désert. « Le Languedoc est une grande région viticole française, estime Auguste Commeyras, gérant. L’importante variété des terroirs est portée par une culture vinicole loin d’être uniforme. Des cahiers des charges stricts ont contribué à améliorer la qualité. Mais bien que nécessaires, ils réclament des rigidités qui bloquent les évolutions. » En culture biologique et à très faible rendement, les millésimes sont riches et typiques, d’une grande finesse et adaptées à la garde, tout en étant accessibles relativement jeunes. « La qualification Languedoc reste encore trop générique, déplore Auguste Commeyras. Elle regroupe des marqueurs trop différents et variables pour être suffisamment parlants. En revanche, cette hiérarchisation a permis au public de découvrir la spécificité des terroirs, même si beaucoup encore restent à découvrir. Malgré le cyclique réchauffement climatique et le nouvel intérêt pour les produits sans alcools, je reste très optimiste devant les progrès que nous avons réalisés ces cinquante dernières années. Nous produisons aujourd'hui des rosés, des blancs ou des rouges intemporels, bien faits et agréables, qui font plaisir aux papilles. »
Surgreffage de la vigne par Auguste Commeyras
Benoît Bertrand, propriétaire du Domaine de Malavieille
Des vestiges attestent la présence de la vigne sur les Terrasses du Larzac dès l’époque romaine. Site emblématique du sud de la France, le Domaine de Malavieille s’est imposé comme une référence de l’appellation sous la houlette d’André Bertrand, décédé en 2023, de son épouse Mireille et de leur fils Benoît. Ici, les raisins fermentent dans des cuves en béton aux parois épaisses encastrées dans le rocher, dont certaines ont été construites au XVe siècle. Les cuvées transmettent toutes les valeurs du sud et son intensité avec une palette d’arômes de la garrigue. Cette amplitude de nuances s’explique par la diversité des sols et l’art des vignerons, sans que la qualification des terroirs n’apporte pour les producteurs une réelle plus-value. « Les différentes dénominations ne sont pas forcément en concurrence frontale, note Benoît Bertrand. Le consommateur distingue plus les différences que les points communs. Nous avons probablement la plus grande diversité de vins et une véritable légitimité historique. Cette image qualitative se construit. En termes de découvertes, nous sommes la région des bonnes surprises. »
André Bertrand, à l'origine du Domaine de Malavieille
Mireille et Charles Greuzard du Domaine de l'Herbe Sainte avec leur fille Christelle Lacaille Greuzard
Plante sacrée qui symbolise la guérison et la paix, l’herbe sainte a traversé les époques et la garrigue au rythme de ses vertus. Elle a aussi donné son nom à ce lieu-dit dont on trouve la trace dès le XVIIIe siècle. En 1987, Mireille et Charles Greuzard achètent leur première vigne de carignan. Ils franchissent une nouvelle étape en 2001 avec l’acquisition du Domaine de l’Herbe Sainte et la commercialisation un an plus tard de leurs premières bouteilles en tant que propriétaire-récoltant. Avec tout à construire, le couple de vignerons développe son activité avec un vrai succès à l’export dans ses trois gammes, Pays d’Oc, Minervois et Festive pour les crémants. « Nous proposons avant tout des vins gourmands, explique Mireille Greuzard. Certaines appellations sont plus en vogue que d’autres. Elles ont souvent des cépages identiques, seul le terroir permet de les différencier. » Cette hiérarchisation contribue toutefois à une meilleure compréhension du marché. « L’ajout de Sud de France à l’appellation peut assurer une meilleure visibilité, témoigne Charles Greuzard. Elle donne aux importateurs plus d’opportunités dans leurs recherches, ce qui est important dans une période compliqué au niveau économique, qui réduit l’attractivité de la filière. »
Mireille Greuzard dans ses vignes
Le Clos du Lucquier au coeur d'un superbe décor
Les 15 hectares de terrasses argilo-calcaires du Clos du Lucquier privilégient les quatre cépages, syrah, grenache, mourvèdre et cinsault. Le grenache blanc, le vermentino, le viognier et la roussanne complètent l’éventail pour les blancs. La situation géographique des parcelles sur trois communes voisines favorise la production sous quatre appellations différentes dans une belle représentation de la diversité de chaque terroir. La gourmandise des IGP Pays d’Hérault, s’accompagne du fruité de l’AOP Languedoc, de la concentration de l’AOP Montpeyroux et de la fraicheur et la finesse de l’AOP Terrasses du Larzac. « Notre région présente une grande diversité de lieux et de styles avec une image de vins chaleureux et denses, précise Claude Panis, propriétaire. Le grand public est de plus en plus sensible à notre production et à sa finesse. » Au-delà d'un discours uniquement axé sur le profil, l’intitulé vient appuyer chaque caractéristique sans pour autant accroitre la concurrence. « Le terme Languedoc permet au consommateur de se repérer dans les grandes lignes, reprend Claude Panis. Il ne tient ensuite qu'à lui de préciser ses goûts et d'assouvir sa curiosité. Je pense qu'il y a suffisamment de place pour tout vigneron engagé et consciencieux. »
Nicole et Claude Panis, propriétaires du Clos du Lucquier
Jean-Christophe Granier, propriétaire du domaine Les Grandes Costes
Au pied des contreforts des Cévennes, le Domaine Les Grandes Costes réussit une subtile alchimie des propriétés des cépages traditionnels, grenache, cinsault, carignan, syrah, avec des rendements maîtrisés. Cette identité forte repose sur des cuvées de caractères, majoritairement rouges aux tanins souples, aux saveurs de fruits noirs et à la fraicheur persistante. La maison comprend 20 hectares, dont 16 au sein du Pic Saint Loup, devenue une appellation d’origine contrôlée par décret en 2017. Jean-Christophe Granier a succédé à son grand-père en 1998. « Nos vins se caractérisent par une certaine fraicheur qui provient de notre climat, mais également du travail en cave où l’extraction n’est pas une priorité absolue, explique-t-il. Le profil soyeux témoigne de nos élevages longs, avec plus de 24 mois en moyenne. En France, le Pic Saint Loup, perçu comme très qualitatif, a acquis une vraie reconnaissance. » Très morcelée, l’exploitation compte 20 parcelles situées dans un environnement naturel privilégié. Dans un paysage lumineux de garrigues calcaires encore préservé de la pression foncière, la vigne, seule culture pratiquée depuis la disparition de l'olivier en 1956, s'épanouit. « Sur certains circuits de distribution, nos appellations ont développé une réelle image de marque ce qui diminue la concurrence entre elles, ajoute Jean-Christophe Granier. Les différentes dénominations mettent en avant la diversité de nos terroirs. À l’export, elles ne sont pas encore très reconnues. Il faudra du temps et du travail pour savoir si l’offre globale a gagné en attractivité. »
Soutirage des fûts par Jean-Christophe Granier
Le caveau du domaine Les Grandes Costes
Si le nom de Languedoc reste porteur et demeure une locomotive à l’export, le fait de proposer des terroirs hiérarchisés constitue un atout supplémentaire, aussi bien pour les professionnels que pour le client final. Des appellations comme Cabardès, Corbières-Boutenac, Faugères ou Pic Saint Loup (ex-membre de la famille Languedoc) ont aussi développé leur notoriété ces dernières années, justifiée par leur richesse, leur complexité et par la diversité et l’expertise des vignerons. Avec souvent de faibles rendements, ces vins séduisent par leur finesse et leur typicité, ils sont plutôt adaptés à la garde, tout en restant accessibles relativement jeunes. Ils sont à la fois conviviaux, intéressants, toniques et développent des arômes explosifs aux saveurs méditerranéennes : des atouts considérables dans cette période économique difficile où la qualité finit toujours par l’emporter.
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