Terroirs

Les Muscadets : de l’évolution à la révolution !

Avec un cépage unique sur 8000 hectares produisant des blancs secs, la première appréciation pourrait sembler simple. Pour autant, dès la dégustation, les horizons s’ouvrent marqués par la complexité des terroirs et renforcés en 2011 par la reconnaissance de crus communaux. Une belle valorisation, de vins de grande qualité qui gagnent à être découverts…

Près des vagues de l’océan Atlantique et des berges de la Loire, le plus long fleuve français, le berceau du Muscadet semble préfigurer la ville de Nantes et son fameux château des Ducs de Bretagne. Ce terroir magnifie un vin qui mérite d’être reconnu à sa juste valeur. Longtemps dénigrée pour la qualité de sa production, sa filière est passée à l’offensive et a entamé la reconquête. Entre ventes en progression et cours revalorisés, l’appellation retrouve sa position commerciale. Avec une superficie de 8000 hectares en baisse ces dernières années, elle maintient son rang de premier vignoble monocépage de France et seule appellation mondiale issue du melon de Bourgogne, tout en optimisant un potentiel de production qui étonne et séduit par sa diversité. Fraîcheur, finesse, arômes et notes minérales, caractérisent les Muscadets Sèvre et Maine sur Lie qui se dégustent jeunes mais qui présentent également des capacités de garde.

 

Dans cette spirale positive, les cuvées s’offrent un bain de jouvence. Aromatiques, accessibles et souples, elles séduisent de nouveaux consommateurs, jeunes et urbains. Après un long travail de restructuration du vignoble au début des années 2000, la reconnaissance de 10 crus communaux à partir de 2011 définit par un cahier des charges exigeant, a ouvert la voie du renouveau. Ces 10 dénominations géographiques complémentaires représentent le haut-de-gamme du Muscadet que la Fédération des Vins de Nantes définit habilement en un mot : Clisson la puissance, Gorges la longueur, Le Pallet l’onctuosité, Goulaine l’harmonie, Château-Thébaud la finesse, Monnières-Saint-Fiacre le charnu, Mouzillon-Tillières la complexité, La Haye-Fouassière l’élégance, Vallet la richesse et Champtoceaux le soyeux. Chacun offre une complexité et une aptitude au vieillissement, fruit d’un élevage sur lie prolongé, de faibles rendements et de l’expression de grands terroirs diversifiés. Trop longtemps décrié et cantonné à un rôle de vin subalterne pris à la va vite et à un accord uniquement tourné vers les huîtres, certes remarquable mais réducteur, l’appellation se tourne vers l’avenir avec des cuvées de caractère pleines de fraicheur.

 

Château de la Preuille.

Château de la Preuille.

 

 

Christian Dumortier dans ses vignes.

Christian Dumortier dans ses vignes.

 

 

Château de La Preuille : une grande institution

Derrière un superbe château féodal se dévoilent des vignes taillées pour l’excellence. Philippe Dumortier et son frère Christian, onzième génération d’une famille de vignerons, incarnent toutes les saveurs du Muscadet. Le nom de la Preuille provient du latin petra ou petrosus qui signifie un endroit pierreux et rocheux. Le vignoble bénéficie en effet d’un terroir granitique exceptionnel qui marque sa typicité, désormais intégré aux dix crus communaux de l’appellation. « Depuis 1986 notre objectif a été de mettre en valeur les grandes qualités des cépages du vignoble nantais, melon de Bourgogne pour le Muscadet et folle blanche pour le Gros-plant-du-pays-nantais », analyse Philippe Dumortier. « Nos différentes cuvées se vendent à des prix très doux, peu en accord avec leur qualité ». Ainsi Tête de Cuvée présente les caractéristiques d'un grand blanc sec, avec un prix très inférieur à celui d'appellations voisines. « Les parcelles dévolues à cette cuvée sont situées sur des coteaux avec un sous-sol exceptionnel de granite porphyroïde à deux micas de Clisson », explique Christian Dumortier. « Allié à des vieilles vignes, ce terroir se caractérise par de faibles rendements d’environ 30 hectolitres, mais qui en contrepartie donnent des vins avec beaucoup de concentration ». Subtil, le nez met en valeur le cépage melon de Bourgogne. Dans le verre, la robe est brillante et dorée. En bouche, on retrouve beaucoup de corps, de complexité et de longueur. Cette typicité est favorisée par la fermentation qui est conduite avec des levures indigènes présentes sur les baies du terroir très diversifiées et non par des levures industrielles. Ce vin de grande expression se distingue par ailleurs par un potentiel de vieillissement étonnant.

 

Nettoyage de cuve pour Aurore Günther.

Nettoyage de cuve pour Aurore Günther.

 

 

Vignobles Véronique Günther-Chéreau : le duo gagnant

Le travail, la quête de la qualité et l’esprit de famille sont des vertus perpétuées depuis plusieurs générations dans ce domaine renommé. Arrivée en 1989 à la suite de son père, Véronique Günther-Chéreau a été rejointe par sa fille Aurore, œnologue. Ce duo performant gère un terroir de 75 hectares converti en partie en viticulture certifiée biologique sur trois domaines reconnus en cru communal, le Château de la Gravelle à Gorges, le château du Coing à Saint-Fiacre-sur-Maine et le Grand Fief de la Cormeraie à Monnières. « Les vins sur la minéralité et la fraîcheur connaissent un vrai regain d’attractivité », analyse Aurore Günther. « Nous avons la chance que la marque Muscadet soit connue dans le monde entier avec une identité de qualité ». La demande à l’export est en croissance, grâce à des vins minéraux, floraux, légers et d’un rapport qualité prix abordable par rapport à d’autres régions françaises. « Le melon de Bourgogne est le seul cépage permettant de produire du Muscadet, du primeur aux crus communaux, et c’est une force », affirme Véronique Günther-Chéreau. « Il existe des terroirs différents qui donnent des blancs différents selon le sol sur lequel les vignes sont cultivées. C’est un vin qui correspond à une gastronomie légère. Il a tout pour se développer à l’export, avec une clientèle qui recherche un vin dont l’approvisionnement est garanti, sans hausse exagérée, sans rupture de stock et avec une vraie régularité dans la qualité ».

 

Le château du Coing niché entre les vignes

Le château du Coing niché entre les vignes

 

 

Pierrick et Landry Pénisson au Domaine des Iles.

Pierrick et Landry Pénisson au Domaine des Iles.

 

 

Domaine des Iles : l’atout Clisson

Parmi les 10 crus communaux du Muscadet, Clisson constitue un des hauts de gamme de l’appellation sur 250 hectares et cinq communes. Idéalement situé au sud de l’estuaire de la Loire, le Domaine des Iles constitue un parfait emblème de ce cru de plus en plus apprécié. Créé par Pierre Pénisson en 1985 sur une petite parcelle de seulement 0,50 hectares, il a bénéficié ensuite de l’arrivée de ses deux fils Pierrick et Landry après des études en viticulture en 2001. Devenue une entreprise familiale avec 7 ouvriers à temps plein et des saisonniers, l’exploitation s’est développée au fil des années pour atteindre 170 hectares actuellement. « Depuis 2003, nous travaillons en lutte raisonnée afin d’être plus respectueux de l’environnement et de produire la meilleure qualité possible », affirme Pierre Pénisson. « Le cru Clisson s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Le terroir sélectionné produit des vins légers, fruités et aromatiques ».

 

Damien Robert propriétaire du Château de l'Epinay.

Damien Robert propriétaire du Château de l'Epinay.

 

 

Château de l’Epinay : la belle régularité

Le château de l’Epinay se dévoile près de jolies rivières ombragées et de Saint-Fiacre-sur-Maine, le village le plus viticole de France pour son ratio superficie-exploitations. Damien Robert a commencé par exploiter ce domaine familial avec son père en 1986 avec l’engagement de respecter un environnement naturel grâce des pratiques vertueuses et durables. Ses 23 hectares de vignes, voués exclusivement à la production de Muscadet donnent de vraies pépites couleurs or pâle, au nez porteur et avec des arômes de fruits frais, qui expriment en bouche la nature d’un terroir très personnel. « Je m'efforce avant tout de préserver mon cadre de travail avec une conduite raisonnée du vignoble », explique-t-il. « Je cherche à prendre en compte de manière équilibrée mes objectifs économiques, les attentes des clients pour un produit de qualité et le respect de l'environnement ». Cet objectif toujours en tête, Damien Robert a accueilli avec satisfaction la reconnaissance de Monnières-Saint-Fiacre en cru communal dont son domaine fait partie. « C’est un vrai plus pour le domaine et un label de qualité pour le client », reprend-il. « Les consommateurs sont plus incités à venir déguster nos vins. »

 

Pascal Renou, son frère Jean-Luc avec son fils Jérôme au Domaine du Haut Fresne.

Pascal Renou, son frère Jean-Luc avec son fils Jérôme au Domaine du Haut Fresne.

 

 

Domaine du Haut Fresne : l’axe Champtoceaux

Sur des coteaux pentus le long de la Loire, les vignes du domaine du Haut Fresne s'enracinent dans les schistes et les gneiss qui apportent aux vins fraîcheur et minéralité. Le vignoble bénéficie d'un climat tempéré, à la fois plus ensoleillé et moins venteux que celui de la Bretagne et son influence océanique. Fondé en 1959 par Michel Renou, ce domaine a été repris par deux de ses fils, Jean-Luc en 1984 et Pascal en 1991, avant que Jérôme, fils de Jean-Luc, ne s’installe en 2008. Les 86 hectares de vignes sont certifiés agriculture à Haute Valeur Environnementale (HVE) depuis 2020. « Nous produisons des vins fruités, avec une belle régularité d’une année sur l’autre et à un prix abordable entre 4 et 10 € », explique-t-il. « Certes le Muscadet n’a pas en France un engouement formidable avec des superficies et une production qui diminuent, mais il faut saluer l’arrivée d’une nouvelle génération de vignerons sur les Coteaux de Loire qui perpétuent la tradition ». L'offre du domaine qui décline 17 vins dont 10 d'appellations, a tout pour régaler les papilles. Elle sera enrichie par la reconnaissance du cru Champtoceaux, seul cru des Muscadets Coteaux de la Loire qui constitue une habile montée en gamme et le parfait coup de cœur des clients, élevé 48 mois en cuve pour le millésime 2017 actuellement en vente.

 

Jérôme et Pascal Renou aux barriques

Jérôme et Pascal Renou aux barriques

 

 

Claude Michel Pichon

Claude Michel Pichon

 

 

Domaine Claude Michel Pichon : un homme de vin

Devenue une référence de l’appellation, Claude-Michel Pichon bénéficie d’une solide carrière dans le monde du vin. Après avoir débuté comme maître de chai et acheteur pour une maison de négoce, il a succédé à son père Raymond en 2009 à la tête du Château La Chevillardière et de ses 88 hectares de vignes. Il développe l’exploitation en achetant des parcelles délaissées par manque de relève, tout en plantant de nouvelles surfaces. « Nos blancs se caractérisent par des notes minérales fraîches et une vraie typicité, comme ceux du château de La Chevillardière qui bénéficient d'un terroir de granit et micaschistes, considère-t-il. Il est important de faire connaître le Muscadet. Et si nous ne produisons pas encore de crus communaux, il est indéniable que cette reconnaissance constitue une vraie valeur ajoutée pour le grand public qui ne connait pas forcément nos produits ».

 

Le domaine Claude Michel Pichon.

Le domaine Claude Michel Pichon.

 

 

Un vrai travail sur les terroirs

L’image du Muscadet a longtemps été banalisée, ce qui a eu des conséquences en termes de qualité. Le travail effectué depuis plusieurs années, tant qualitatif à la cave qu’au niveau de la commercialisation et de la promotion des produits, contribue à renverser cette tendance. La restructuration de nombreux domaines a engendré une progression nette de la qualité, avec aujourd’hui un très bon rapport qualité prix. Le Muscadet s’affirme comme un vin sans artifice, criant de vérité, avec un ancrage au terroir. Idéal à l’apéritif, il constitue un grand classique avec des fruits de mer, et un bel accord avec des viandes blanches et certains fromages. Paradoxalement, le niveau tarifaire plutôt bas appliqué par une partie de la production est un facteur négatif dans l'esprit du consommateur qui l’assimile souvent et à tort à un petit vin. Les crus communaux contribuent à inverser cette spirale négative et à mettre fin aux préjugés pour placer le Muscadet à égalité avec d'autres grands blancs. « L’avènement des crus et l‘énorme travail pour la reconnaissance du terroir contribuent à la notoriété du Muscadet Sèvre et Maine sur Lie », souligne Véronique Günther-Chéreau propriétaire des vignobles éponymes. « Il n’est plus seulement considéré comme un breuvage de comptoir mais comme un vin de gastronomie. Il a acquis ses lettres de noblesse bien qu’à mon sens les crus ne soient pas encore assez connus en France hors de leur région ». Le Muscadet est pluriel et on ne peut que louer le fait de valoriser sa diversité. L’entrée de gamme s’accompagne de cuvées de gastronomie, de garde et désormais de crus communaux qui apportent un vrai souffle nouveau dans une tendance porteuse d’un blanc sec, fin, peu alcoolisé, et rafraîchissant qui a tout pour séduire de nouveaux consommateurs.